Arts martiaux internes et méditation

Qu’est-ce qui va approfondir votre méditation ?

Serez-vous en mesure d’améliorer votre unité d’esprit et d’ouvrir la voie des illuminations ?

 

Je précise que je n’enseigne pas la méditation, ni mind fulness, ni aucun courant managérial en vogue qui puissent élargir mon portefeuille d’activités. 

Au cœur de ma pratique des arts martiaux internes, il y a indéniablement un socle vivant ou un courant continu que je pourrais appeler « méditation ». 

Le yi (意, intention) de Xingyi Quan (形意拳) étant l’intention originelle qui dépasse la notion de volonté ou de la spontanéité, ne peut être traité que dans une dimension plus élevée.

Il ne serait pas mal vu d’aborder ce sujet venant d’un pratiquant d’arts martiaux si cela pourrait aider toutes personnes désirant approfondir la démarche : arts martiaux et méditation.

« J’ai compris… »

Comme pour la pratique des arts martiaux internes, Les raisonnables et raisonnés, cérébraux ou ultra-logiques ont du mal à atteindre le bon niveau. 

Ils mesurent leur progrès avec « j’ai compris » ou « je n’ai pas compris ». 

« J’ai compris que… » — Comme j’ai été moi-même martelé par mon maître pour l’avoir dit, ou plutôt, pour avoir voulu le dire,

Je sais de quoi je parle. 

Aujourd’hui, je préfère me taire et languir entre le ciel et les nuages.

« J’ai compris » signifie « je n’ai toujours rien compris. ».

Tant que c’est la raison qui parle, on n’arrivera jamais à approfondir la méditation.

Alors, qu’est-ce qui va approfondir votre méditation ?

En luttant pour chasser les idées parasites et agitations d’esprit ? 

Ou bien, en supposant qu’elles sont toujours là et en travaillant en connaissance de cause ? 

La personne capable de faire cette distinction approfondira considérablement son état de méditation.

L’anxiété et l’impatience sont encore pires que les idées parasites, et si vous en devenez obsédé pendant que vous méditez, vous entrerez dans la cour des ténèbres que l’on appelle « Makyo ».

En ce sens, la méditation est assez dangereuse.

« Makyo » désigne un état mental déséquilibré, une sorte de gonflement de l’ego qui résulte d’une conscience de soi excessive.

Les ascètes férus de Zen tombent souvent dedans lorsqu’ils sont à moitié éveillés.

Si vous êtes tombé devant le mur et vous demandez pourquoi vous n’êtes pas capables d’approfondir votre méditation, inutile de continuer à le remarquer, il faut passer à l’étape suivante.

Il faut savoir que lorsque les choses ne fonctionnent pas comme on veut, il y a toujours des causes cachées derrière et en même temps, des astuces pour les faire fonctionner. C’est cette prise de conscience qui nous fait avancer.

La méditation est un processus continu des prises de conscience.

Les révélations qui mènent au chemin des lumières se situent à un niveau différent de celles qui sont connues par la connaissance de raison, la logique.

Plus vous en prenez conscience, plus votre vie sera fructueuse et plus elle sera facile à vivre. 

Tout le monde comprend cela avec sa tête, mais pas suffisamment avec ses sens.

La vérité ou révélation est la conscience liée à l’intuition.

Lorsque vous entrez dans un état méditatif profond, votre conscience s’éclaircit et s’harmonise d’elle-même.

Chaque prise de conscience s’accompagne d’un nettoyage de l’esprit, d’une relaxation extrême, d’une forte conviction et de la capacité à faire la part des choses.

Plus vous pratiquez, plus vous vous rendez compte de ce qui vous manque. Puisqu’il en est ainsi, ce n’est ni négatif ni humiliant de s’en rendre compte. C’est juste un marchepied pour faire un bond en avant.

De là, naît l’idée directrice de l’apprentissage : Même les points négatifs peuvent être transformés en points positifs — ce qui constitue le substrat philosophique des arts martiaux internes — est tout aussi l’effet de la prise de conscience dans la méditation profonde.

Face à nos faiblesses ou incompétences mises à nu, on peut se sentir déprimé, mais bizarrement, en tombant des nues, on commence à se sentir mieux en même temps.

C’est parce qu’on arrive à les accepter.

Les défauts qui sont acceptés ne sont plus des défauts.

C’est l’un des effets d’un état méditatif extrêmement approfondi ; connaître la faiblesse mène à la force.

Ce qui est rarement le cas en état de conscience ordinaire.

Pourquoi ? 

Si vous évitez de voir vos défauts, c’est parce que vous ne voulez pas les accepter.

Et si vous êtes déprimé, c’est parce que vous y êtes confronté alors que votre esprit n’est pas prêt à les accepter.

La méditation, le zazen, le yoga, la spiritualité, le gyo, le shugendo… ont tous plus ou moins un but commun : entrer dans l’état de conscience altérée.

La méditation sans entrer dans l’état de conscience altérée n’a que peu de sens.

La clé du succès est de savoir non seulement comment y entrer, mais également comment reconnaitre cet état une fois entré. 

Qu’est-ce que l’état modifié ou altéré de la conscience ? 

Nos quotidiens se passent généralement dans un état de conscience normal, mais nous vivons aussi un état de conscience plus profond.

L’esprit dit subconscient ou inconscient est toujours actif et possède une énergie beaucoup plus puissante que l’esprit conscient, et il influence notre conscience ordinaire sans même que nous le sachions.

L’état de conscience altérée est un état dans lequel le subconscient ou l’inconscient est devenu conscient et perçu comme réalité. 

Il est irrationnel, émotionnel, très sensuel et non verbal, et constitue le courant de conscience le plus primitif et le plus central de l’être humain. Cela s’apparente à la sensation d’être dans une « zone ».

Cet état de conscience profond est nécessaire pour que la méditation soit efficace.

Lorsque l’état de conscience altérée est extrêmement approfondi, il existe différentes versions de l’expérience, comme le sentiment de ne faire qu’un avec l’univers, le sentiment d’être entouré d’amour, le sentiment d’être connecté et de partager avec toutes choses, le sentiment d’omniscience et d’omnipotence, l’état d’inspiration en ébullition et le sentiment de béatitude, d’extase intense, d’exaltation ou d’exultation…

Lorsqu’une personne entre dans cet état, sa vision du monde change radicalement, les choses qui l’ont troublée disparaissent, tout le stress s’envole et elle obtient une mentalité libre et libérée.

Il existe également de nombreux types différents d’états de conscience altérés, comme la sensation de détente au sens large, jusque d’être hors du corps. Mais cela reste assez superficiel.

Un véritable état de conscience altérée est un état de conscience profond qui peut changer votre vie.

La difficulté est que, comme on a tendance à vouloir entrer dans cet état en restant à un niveau de conscience peu profond (conscience de raison), on se met tout seul dans un état de blocage mental.

C’est pour cela que la méditation n’avance pas. 

Nous avons tendance à faire un effort pour utiliser la raison pour réduire la raison.

Avec la raison, on ne réduit jamais la raison. 

La raison ne nous éclairera jamais.

D’ailleurs, de nombreux philosophes ont pété un plomb après avoir trop réfléchi.

La méditation médiocre n’approfondit que nos illusions.

Lorsque vous franchissez un certain seuil d’approfondissement, vous découvrez des choses que vous n’aviez jamais remarquées auparavant, et dans un esprit jusqu’alors un peu chaotique s’établit une perspective limpide, un axe de conscience.

L’homme sans axe, sans ligne de conduite est un homme perdu.

Vous vous tourmentez parce que vous vous perdez, et vous vous perdez parce que vous vous tourmentez.

Par cette répétition, votre santé mentale sera mise à mal. Par voie de conséquence, votre santé physique l’est également.

Nous vivons dans un monde de contraintes. Ces contraintes commencent dès notre naissance et se renforcent au fur et à mesure que notre moi social grandit.

Au milieu de tout cela, nous nous perdons de plus en plus et nos doutes et inquiétudes augmentent.

Lorsque nous sommes troublés, nous réfléchissons.

La plupart du temps, nous ne pouvons que nous débattre pour surmonter la situation.

Personne ne veut être tracassé, pourtant on est pris au piège.

La raison a développé la science et la technologie. En rejetant ce qui n’est pas scientifique, d’un oeil rationnel, on a réussi à acquérir un sentiment de sécurité au quotidien face à des agressions extérieures ou maladies, etc.

C’est probablement la raison pour laquelle on est intimement persuadé qu’on pouvait utiliser le pouvoir de la raison pour se débarrasser des insécurités en soi.

Cependant, le sentiment d’anxiété demeure et ne peut être résolu par la raison. 

Comme les choses spirituelles ont été qualifiées et rejetées par la raison comme irrationnelles, l’homme moderne a retourné l’énergie de cette anxiété contre lui-même.

Résultat, notre faculté de raisonner nous empêche d’avancer vers l’épanouissement.

Nous nous appuyons tellement sur la raison que nous ne savons plus comment ne pas l’utiliser raisonnablement.

Nous avons perdu les moyens de savoir et de jauger à quel point nous utilisons la raison.

Comment dépasser la raison est la clé pour maîtriser la méditation (elle vous oblige à vous mettre face à la question : “Qu’est-ce que la raison ? »). 

Le but de la méditation est avant tout, d’enlever la fixation, ne pas utiliser la raison. Mais si vous essayez d’enlever la fixation, c’est déjà une fixation.

En règle général, les réponses que l’on obtient en réfléchissant ne sont pas très percutantes. Elles doivent venir à notre esprit intuitivement. Il faut que cela nous fasse tilt instantanément, comme une évidence. 

Une vraie prise de conscience s’obtient en plongeant dans ce monde de sensations instantanées qui dépasse de loin la raison.

Alors, comment cela se passe ?

N’attendez pas à avoir une baguette magique pour  entrer dans un état méditatif profond (altéré) en prenant des raccourcis.

Donnez le temps au temps et gaspillez vos énergies en essayant de vous débrouiller avec la raison en vain. Arrivera le temps pour réaliser à quel point c’était du gaspillage. 

C’est seulement à partir de là que vous parviendrez à plonger dans le monde des sens.

Faites donc beaucoup de gaspillages.

Votre capacité à maintenir une posture correcte vous aide à vous concentrer. Mais ne cherchez pas une immobilité rigide. 

Si quelqu’un arrive à méditer (debout ou assis) longtemps sans bouger, ce n’est pas parce qu’il est endurant, mais parce qu’il est immergé dans le confort de ne pas vouloir bouger.

C’est parce qu’ils sont plongés dans l’euphorie et l’extase qu’ils ne veulent plus sortir de cet état. 

Si vous essayez de calmer votre corps pour ne pas bouger, vous vous sentirez étouffé et ne ferez qu’amplifier le vacillement et la dispersion de l’esprit. 

Le fait de ne pas bouger est une conséquence.

Le rôle de l’instinct 

Plus la raison est surdéveloppée, plus la puissance des instincts diminue.

L’instinct est une émotion. C’est l’âme. C’est la chose la plus fondamentale chez l’être humain.

Une personne qui a une âme forte est vraiment forte.

Les personnes qui sont trop fortes en raisonnement semblent avoir peu d’envergure.

Quand la raison est forte, l’instinct s’affaiblit, et quand l’instinct est mis à nu, la raison fait défaut.

La vie ne consiste-t-elle pas à résoudre ce problème conflictuel permanent ?

La raison est la plus grande entrave à l’entrée du chemin vers l’état de conscience altérée. Il faut donc l’utiliser lorsque cela nous convient, et l’écarter lorsque ce n’est pas nécessaire.

Il y a une grande différence entre ceux qui comptent sur elle en permanence et ceux qui peuvent l’utiliser quand ils en ont besoin.

C’est lorsqu’on a réussi à s’en débarrasser que l’on comprend sa véritable valeur.

Moins vous raisonnez, plus vous vous plongez dans la méditation. Dans ce processus, le rôle de l’instinct devient important.

L’instinct est une partie primitive de la nature humaine, il est donc très proche des émotions et des désirs.

Par conséquent, à mesure que vous approfondissez votre état méditatif, vous pouvez être honnête avec vous-même.

Vous pouvez être vous-même, dépouillé de toute prétention à la raison.

« La liberté est un état où l’on peut être honnête avec soi-même. »

C’est l’avantage de la méditation. C’est très confortable.

Il n’y a pas de faux-semblant, pas de jeu d’acteur, ni moi social ni moi menteur, juste vous-même comme si un fardeau avait été enlevé de son cœur. 

Il reste juste une sensation de « Je suis ce que je suis », « Je peux être moi », sans doute, le meilleur sentiment qui soit.

Pour trouver l’équilibre dans son esprit et entrer dans un état de méditation profonde, il faut satisfaire ses instincts.

L’instinct aime les sensations agréables.

Détente, plaisir, euphorie, extase, accomplissement, épanouissement, excitation….

Avant tout, la méditation, c’est se sentir bien.

Dans un état méditatif profond, vous pouvez dialoguer directement avec votre instinct.

Ce que vous pensez et ressentez à ce moment-là touche intuitivement votre instinct.

Il va sans dire que la raison vous en empêche.

Avec la raison, vous serez peut-être à même de communiquer avec votre moi déformé, social ou menteur.

Peu importe le nombre de fois que vous interagissez avec le moi social, le faux moi, ou moi menteur, vous ne ferez qu’accumuler des déchets dans votre cerveau.

L’instinct n’est que simplicité, pureté et sentiment.

Vous serez en mesure d’atteindre le vrai « moi » et d’avoir une affirmation de soi absolue et un sens de l’existence. Il n’y a pas de pouvoir aussi tranquille, aussi clair et aussi fort.

C’est là que naît la confiance. La confiance qui ne languit pas de reconnaissance des autres.

L’état de la conscience altérée profond ne vous fait pas perdre votre capacité à raisonner, elle vous rend plus apte à raisonner. C’est comme si vous venez d’appuyer sur le bouton de réinitialisation.

Lorsque vous entrez dans cet état de conscience, vous vous rendez compte à quel point vous avez été gêné par une raison inutile.

Vous vous rendez compte à quel point vous vous sentez plus en sécurité quand aucune raison ne vous en empêche.

Vous vous rendez compte que vous avez utilisé la raison sans le savoir pour vous protéger, que c’est la source de votre anxiété, de votre frustration et de vos tensions, et que, 

lorsque rien ne vous protège, vous vous sentez plus sûr et plus détendu.

Vous arrivez à voir ce qui est inaccessible dans le monde de la raison. Vous arrivez à le saisir dans un sens réel de la vérité dans la grande conscience profonde qui transcende la sagesse.

 

Seriez-vous intéressés par la philosophie taoïste hors des sentiers battus ?